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5G: décision imminente en Suisse

Une commission parlementaire a refusé d'augmenter le rayonnement des antennes réclamé par l'industrie. Mais ce n'est que partie remise. Les opposants redoutent des effets sanitaires désastreux et montent au créneau.

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Une décision importante concernant le déploiement de la 5G est attendue le 8 juin dans l’une des deux Chambres en Suisse. La Commission des Transports et des Télécommunications du Conseil des Etats (Chambre “haute” des députés) a refusé de justesse le 23 mai une proposition de d’assouplir les valeurs limites de rayonnement non ionisant comme le réclamait l’industrie.

Mais ce n’est que partie remise. Même si la commission a affirmé que toute augmentation des valeurs-limites est exclue, la motion sur ce sujet sera soumise le 8 juin en plénière du Conseil des États puis repartira au Conseil national (la première Chambre). Et que tout est encore ouvert.

Les opposants brandissent le spectre d’une décision qui pourrait avoir de lourdes conséquences sanitaires sur une grande partie de la population, dont les enfants.

Fixer les limites en fonction des besoins de l’industrie

À l’époque de la procédure d’octroi des licences pour la 5G en Suisse, en 2017, les fabricants d’antennes eux-mêmes avaient averti les autorités de la nécessité d’assouplir les valeurs-limites pour exploiter tout le potentiel de cette nouvelle technologie (lettre d’Huawei).

Pensant que ce serait une formalité, l’État fédéral, sous pression de Swisscom, le plus grand opérateur helvétique, avait d’abord vendu les concessions, sans penser que la résistance politique serait plus forte que prévue pour relever les seuils.

Nombreuses oppositions

La société civile suisse avait réagi vivement à l’introduction de la 5G sans débat démocratique, dénonçant ce qui lui semblait constituer un pouvoir trop important des opérateurs de téléphonie mobile.

Plusieurs initiatives et oppositions ont considérablement freiné les plans initiaux de développement de la 5G. Au total plus de 100 000 citoyens se sont associés à plus de 3’000 oppositions, notamment grâce à un service d’annonce qui permet d’être informés de projets d’antennes proches de chez soi.

Le Canton de Genève est actuellement fébrile avec plusieurs méga-projets d’antennes en milieu urbain. L’association “5G Moratoire pour la Suisse” est en phase de récolte de fonds pour financer les recours nécessaires. Par ailleurs, la mise à l’enquête de l’une des plus grandes installations d’antennes du pays, dans la réserve naturelle du Creux-du-Van, fait également l’objet d’une opposition massive avec déjà plus de 1100 citoyens impliqués.

Cadre légal et principe de précaution

Bien que la Constitution et la loi mettent en avant les principes de précaution de base en matière de protection de l’environnement et de la population, ils se heurtent à la “Realpolitik” des stratégies économiques.

La Constitution fédérale prévoit par exemple que la Confédération veille à “prévenir les atteintes nuisibles ou incommodantes contre l’être humain ou son environnement naturel” et la Loi sur la protection de l’environnement stipule que « Les enfants sont particulièrement sensibles et doivent être pris en compte lors de la fixation des valeurs limites d’immission».

Les opposants à la 5G sont d’avis que ces principes sont bafoués.

L’État suisse en conflit d’intérêt

Dans ce dossier, force est de constater que la position neutre de la Confédération pour défendre les lois censées imposer le principe de précaution en matière de téléphonie mobile est affaiblie par plusieurs facteurs. Swisscom, ancienne entreprise d’état, reste majoritairement en mains étatiques, une part de ses bénéfices aussi.

Dans le monde, le secteur du «smart» – dont la 5G est l’élément central – pèsera à terme plusieurs trilliards de francs avec deux milliards d’humains connectés et de nombreuses applications surtout industrielles et sécuritaires.

Le gouvernement a de plus défini comme objectif stratégique que la Suisse devienne un acteur digital majeur en Europe. Un coffre-fort numérique qu’il faudra bien remplir d’une masse de nouvelles données que seule la 5G et les générations futures de technologies pourront offrir.

Et c’est actuellement ce même gouvernement qui fixe les normes en matière de rayonnement, par voie d’ordonnance qui n’est pas obligatoirement sujette à référendum, semblant faire passer les préoccupations légitimes en matière d’environnement et de santé au second plan par rapport aux exigences économiques.

Une motion pour faire le forcing

Voyant que l’image de la 5G se détériorait dans l’opinion publique, le lobby du digital a créé la structure Chance5G, destinée à promouvoir la téléphonie du futur en Suisse.

Dans la foulée d’un rapport de 2019 de l’Office fédéral de l’environnement qui prévoyait quatre scénarios possibles, ce groupe a rédigé une motion parlementaire demandant l’instauration « de conditions générales propices à un déploiement rapide ». Cette démarche revient à imposer la pire des quatre options en termes de rayonnement, soit installer des antennes moins nombreuses mais très puissantes. C’est cet objet qui sera voté le 23 mai par la Commission des Transports et des Télécommunications du Conseil des États (CTT-E).

Chance5G semble bien placée dans cette course politique: six des treize députés de la commission qui doit prendre position font officiellement partie de ce mouvement de soutien au «progrès technologique».

La motion aurait dû être votée l’automne passé mais la CTT-E a jugé nécessaire d’obtenir plus d’informations avant de pouvoir se prononcer, notamment «des précisions sur les procédés de mesure» ainsi que des compléments concernant la surveillance «des lieux où se trouvent régulièrement des personnes particulièrement vulnérables».

Les résultats présentés entre-temps ne convainquent pas les opposants, qui dénoncent un travail bâclé, avec un nombre non-représentatif de mesures où tout semble fait pour arranger les opérateurs. Plusieurs organisations se sont fédérées en créant un site pour exposer leurs arguments, Info EMF.

Cybersanté contre santé tout court

Là où les pro-5G parlent d’innovation en cybersanté grâce à la 5G, leurs opposants brandissent le respect de la santé et de l’environnement.

Les études d’impact sur le vivant sont en effet toujours plus nombreuses et étayées, ce qui rend de plus en plus difficile de défendre uniquement le point de vue techno-centré de l’industrie.

L’état de la science ressemble d’ailleurs à ce qui s’est vu pour la cigarette juste avant qu’elle soit reconnue comme un facteur dégradant pour la santé humaine, avec des études financées par l’industrie qui “atténuent” leurs conclusions par rapport aux études indépendantes.

Les dégâts de l’électrosmog

Pendant longtemps, seul un effet thermique était reconnu. En 2019 pourtant, un rapport de l’Office fédéral de l’environnement (OFEV) commandé par la Confédération, admettait que certains phénomènes biologiques ne sont pas explicables uniquement par la chaleur.

Selon les estimations, 10% de la population souffre déjà des effets de l’électrosmog. Ceci se traduit principalement par des troubles de la concentration (influence sur les ondes cérébrales), du sommeil et des migraines.

Au niveau cellulaire, des effets délétères sont également observés. Les plus cités sont le stress oxydatif, précurseur de nombreux problèmes de santé, et les mutations de l’ADN.

À ce sujet, en 2004, Swisscom lui-même avait déposé un brevet pour un concept permettant de réduire l’électrosmog, justifiant son utilité par le fait que des études démontrent que les ondes augmentent le risque de cancer par leurs dommages à l’ADN. Swisscom nie aujourd’hui cet effet si les valeurs-limites sont respectées.

Les études sur le rayonnement ne reflètent pas les situations réelles

Autre fait jugé inquiétant, les nouvelles technologies d’antennes 5G ne permettent pas un calcul direct de l’intensité de leur rayonnement sans passer par des calculs théoriques et des données fournies par des opérateurs. Ceci exclut donc tout monitoring vraiment indépendant.

Les opposants affirment que le rapport sur les antennes adaptatives est critiquable car les mesures n’ont pas été effectuées dans des conditions réalistes. Ils constatent «qu’aucune mesure n’a été effectuée dans des salles de classe en pleine activité» et jugent les données complémentaires du monitoring lacunaires.

Ils citent de récentes études publiées en 2022 qui montrent de manière alarmante que le cerveau des enfants est particulièrement vulnérable aux dommages et aux dysfonctionnements, car il absorbe davantage de rayonnements. Il y est aussi question de la maladie d’Alzheimer qui survient de plus en plus précocement et fréquemment.

Bras de fer

L’industrie justifie son soutien à cette variante “express” par le fait que 90% du rayonnement vient des appareils de téléphonie mobile et que c’est aux utilisateurs qu’incombe en premier lieu la réduction de leur exposition.

Ceci n’est honnêtement pas défendable selon les opposants qui estiment qu’une augmentation de la puissance des antennes touchera tout le monde, même les personnes vulnérables, et pas uniquement les utilisateurs.

Ils rejettent également l’argument de l’efficacité énergétique par unité de données transmises grâce à la 5G en raison de l’augmentation constante et rapide de consommation induite par les capacités de la 5G elles-mêmes. Pour rappel, plus de 70% du trafic internet mobile est actuellement utilisé pour regarder des vidéos, les conversations représentent moins d’un pourcent.

Le but politique de cette motion est clairement d’obtenir un semblant de soutien démocratique à ce déploiement par les élus du peuple et des cantons. Selon les opposants, celle-ci accorde plus d’importance aux intérêts économiques qu’à la protection de la santé et est donc contraire à la législation.

▶ Les valeurs limites d’exposition aux ondes nous protègent-elles ? Selon des chercheurs indépendants, l’infertilité, le cancer, les problèmes neurologiques et psychiatriques, feraient partie des effets biologiques causés par les ondes en dessous des seuils réglementaires. Extraits du documentaire de l’émission Complément d’enquête “5G : l’onde d’un doute” :

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