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La bataille sur l’origine du Covid fait rage aux Etats-Unis

Bisbille au sommet. L’ex-chef des autorités sanitaires (CDC) Robert Redfield estime que le virus a été fabriqué à Wuhan et accuse de mensonges l’architecte de la politique Covid Anthony Fauci.

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Par Dr Martina Frei, infosperber (traduit de l’allemand et adapté par Covidhub)

9 avril 2023 – Après des déclarations explosives de l’ex-chef du CDC en faveur de la thèse du coronavirus créé en laboratoire, d’autres scientifiques ont servi les médias en contredisant ces informations.

Dès le début de la pandémie, de savoir si le Sars-Cov-2 provient d’un laboratoire ou d’animaux a été traité comme une question politique plutôt que scientifique. Le cours des événements montre également à quel point les médias doivent être prudents.

Notre chronologie basée sur les dernières «découvertes»

Depuis des mois, une commission d’enquête américaine tente de savoir d’où vient le virus pandémique. Le 8 mars 2023, elle a convoqué le virologue Robert Redfield, ancien chef des Centers for Disease Control and Prevention (CDC) de l’autorité sanitaire américaine. Redfield faisait partie du groupe de travail américain sur les coronavirus.

Ce virus me paraît avoir été construit – Robert Redfield

Déclarations explosives de Redfield devant la Commission d’enquête

Le 8 mars, Robert Redfield a témoigné sous serment devant la commission d’enquête : “Sur la base de mon analyse des données, j’étais arrivé [au début de la pandémie – ndlr] à la conviction – et je le crois toujours – que le Covid-19 était plus probablement le résultat d’un accident de laboratoire que d’un débordement naturel.”

Le virus contenait un code génétique humain à un niveau important, a expliqué Redfield. “C’était très inquiétant pour moi. Ce virus m’a semblé conçu.” Au début de la pandémie, il l’a dit à Anthony Fauci, au directeur de l’OMS Tedros Ghebreyesus et à Jeremy Farrar, alors directeur du Wellcome Trust.

Ecarté par Fauci

Autre indice important pour Redfield: contrairement aux virus Sars et Mers, qui n’ont jamais appris à se propager d’une personne à l’autre, le virus pandémique était dès le départ «trop contagieux» pour les gens.

Redfield a déclaré avoir insisté pour que les deux hypothèses d’origine soient examinées avec le plus grand sérieux. Mais parce que l’équipe de Fauci ne voulait qu’un récit et parce que lui, Redfield, avait un point de vue différent, il n’a pas été inclus dans d’importants appels vidéo ou e-mails dans lesquels Fauci et Farrar ont échangé des points de vue avec divers scientifiques sur l’origine du virus, comme nous l’avons rapporté plusieurs fois.

Il a été décidé de n’avoir qu’un point de vue et de rejeter les autres

Le fait qu’il n’ait pas été inclus dans ces discussions l’avait “totalement déçu” et aussi agacé, a avoué Redfield à la commission d’enquête. Il n’a découvert ces discussions secrètes entre Fauci et d’autres scientifiques que lorsqu’elles ont été révélées avec l’aide de la loi sur l’information publique.

Cela fait partie de la science d’encourager le débat afin qu’elle trouve finalement la vérité, a-t-il ajouté. Dans ce cas, cependant, il avait été décidé a priori de n’apporter qu’un seul point de vue et d’écarter ceux qui n’étaient pas d’accord avec lui.

Soutien aux recherches sur les gains de fonction

Redfield a fait d’autres déclarations choc: selon lui, le National Institutes of Health (NIH), où Fauci dirigeait le NIAID, a promu la recherche sur le gain de fonction – également à Wuhan. “Je pense qu’il n’y a aucun doute à ce sujet”, a déclaré Redfield devant la commission.

Il a contredit Fauci, qui avait prétendu le contraire sous serment il y a quelque temps. Alors maintenant, la question est de savoir si Fauci a commis un parjure. Dans la recherche sur le gain de fonction, les microbes sont modifiés de telle manière qu’ils acquièrent de nouvelles propriétés, comme devenir plus contagieux ou plus dangereux.

Trois événements «très inhabituels»

Il est clair, selon Redfield, qu’un “événement significatif” a eu lieu dans le laboratoire de Wuhan en septembre 2019. Autrefois, en temps normal, il avait un bon contact avec George Gao, son homologue chinois. Mais cet échange simple et informel n’était soudainement plus possible.

 

Dans les locaux de l’Institut de virologie de Wuhan, il y a aussi des laboratoires avec des murs en acier inoxydable, qui rouillent rapidement lorsqu’ils entrent en contact avec des désinfectants. © Ureem2850, via Wikimedia Commons CC-BY-SA 4.0

À ce moment-là, trois choses se sont produites à Wuhan que Redfield décrit comme «très inhabituelles»: 1) des informations sur le génome des virus corona ont été supprimées d’une base de données; 2) le laboratoire a été placé sous contrôle militaire; 3) le système de ventilation a été renouvelé.

Fox News et d’autres médias ont immédiatement diffusé les déclarations de Redfield. Rien n’a été lu à ce sujet dans les médias suisses et français.

Les partisans de l’origine naturelle réagissent… au même moment

Au lendemain de l’audience de Redfield, la Française Florence Débarre, biologiste de l’évolution, réaffirme l’origine animale du coronavirus, en l’occurrence un chien viverrin. Elle parcourait la base de données Gisaid, là où de nombreux chercheurs stockent des informations sur le génome des virus de la grippe et du corona.

Le 4 mars, elle est tombée par hasard, a-t-elle dit au magazine scientifique Science, sur des données jusqu’alors inconnues, provenant d’échantillons collectés par des scientifiques chinois de janvier à mars 2020 au marché des poissons de Wuhan.

«Transmis par un chien»…

Selon Science, Débarre a immédiatement demandé l’aide d’un groupe de scientifiques occidentaux qui défendent fortement l’hypothèse de l’origine naturelle. L’information a immédiatement atteint le public.

La Française et son équipe affirment avoir découvert à la fois le génome du chien viverrin et l’ARN du Sars-CoV-2 dans un échantillon. Cet animal vendu sur le marché, probablement infecté par le Corona, pourrait être l’hôte intermédiaire à partir duquel le virus a sauté aux humains.

L’OMS approuve la piste animale

Avant même de publier un article scientifique vérifié par des pairs, son équipe transmet l’info à la presse profane: C’est “l’indication la plus forte à ce jour” que la pandémie est venue d’un animal et n’a pas été causée par un accident de labo, écrit The Atlantic le 16 mars 2023.

Le 18 mars l’OMS, informée une semaine plus tôt par des collègues de Débarre, a emboîté le pas. Selon l’OMS, les données montreraient qu’il y avait sur le marché des animaux sensibles au Sars-CoV-2 et qui “auraient pu être une source d’infection pour l’homme”.

Contredite par l’ex-chef des autorités sanitaires chinoises

Mais l’ancien chef du CDC chinois George Gao a vivement contredit cette analyse en la qualifiant de «trompeuse». Aucun hôte animal du Sars-CoV-2 n’a été trouvé selon lui.

«La science est basée sur des preuves et des faits, pas sur des spéculations. En particulier, on ne peut pas exagérer dans les médias pour tromper le public et les politiciens», a-t-il déclaré à l’ONG U.S. Right to Know (le droit de savoir). Il a demandé à l’équipe Débarre de se calmer et de faire de la “science décente”.

Les médias reprennent peu les démentis

Le 21 mars 2023, la base de données Gisaid a désavoué Florence Débarre : «Une discussion sur des données scientifiques prématurées dans les médias menace de saper la confiance du public dans la recherche scientifique.»

Pour le virologue allemand Alexander Kekulé, «les échantillons chinois ne montrent rien du tout». Mais dans l’ensemble, les démentis de la thèse Débarre ont eu bien moins de couverture médiatique.

Ce fut un énorme succès pour la thèse du chien de Débarre et ses collègues. Car bien que rien n’ait été prouvé, des dizaines de médias l’ont reprise dans le monde, notamment en Allemagne.

Les conflits d’intérêts potentiels n’ont pas été mentionnés

Presque tous les articles sur la thèse Débarre ont omis de mentionner qu’un certain nombre de co-auteurs sont soutenus financièrement par les National Institutes of Health, le Wellcome Trust ou, par exemple, par l’ancien institut NIAID d’Anthony Fauci.

Trois noms se distinguent parmi les auteurs : Kristian G. Andersen, professeur au Département d’immunologie et de microbiologie du Scripps Institute en Californie. Robert F. Garry, professeur de microbiologie et d’immunologie à l’Université Tulane (Nouvelle-Orléans). Et Edward C. Holmes, virologue et biologiste de l’évolution à l’Université de Sydney, en Australie. Tous trois ont participé à l’appel vidéo avec Fauci le 1er février 2020.

Changement d’avis après une subvention de Fauci

Andersen avait d’abord écrit à Anthony Fauci fin janvier 2020, au début de la pandémie: «Certaines propriétés [du virus] semblent (potentiellement) fabriquées (…). Je pense que le génome [du virus] n’est pas compatible avec ce que l’on pourrait attendre de la théorie de l’évolution.» Même constat préalable de Holmes et Garry, ce dernier ajoutant qu’il ne pouvait pas comprendre comment le SRAS-CoV-2 aurait pu évoluer naturellement.

Mais après deux à quatre jours, Andersen, Holmes et Garry ont radicalement changé d’avis. Le virus est “cohérent avec l’évolution naturelle (…). Nous ne pensons pas qu’un scénario basé sur un laboratoire soit plausible”, affirment-ils dans un article publié par Nature Medicine le 17 mars 2020.

Cet article a eu une nette influence sur l’opinion publique : l’origine du labo a été traitée dans les grands médias comme l’hypothèse la moins probable voire comme une théorie du complot.

L’été 2020, Kristian Andersen recevait des millions de dollars de financement de l’Institut de Fauci.

Revirement embarrassé dans le New York Times

Il a ensuite expliqué son revirement soudain au New York Times en disant qu’il avait examiné de plus près le virus. Garry l’a ensuite relativisé et a déclaré qu’il avait joué le rôle de “l’avocat du diable” dans les discussions initiales. Le groupe autour de Fauci avait échangé diverses informations et il leur était apparu très rapidement que le virus pandémique était d’origine naturelle.

Le 8 mars, Redfield a qualifié l’article de Nature Medicine co-écrit par Andersen, Garry et Holmes devant la commission d’enquête comme “inexact […], faisant partie d’un récit qu’ils ont créé”. S’ensuivit une longue polémique.

Pourtant, les scientifiques chinois s’en tiennent à leur position clé: les échantillons ne peuvent prouver aucune infection par le Sars-CoV-2 chez les animaux. Afin de sonder l’origine possible du virus, des efforts plus coordonnés au niveau international sont nécessaires.

Vifs reproches contre les scientifiques chinois… mais omerta étasunienne

Les critiques pleuvaient de la part de Débarre, de ses collègues et d’autres scientifiques occidentaux, mais aussi de l’OMS : les scientifiques chinois auraient dû rendre ces données importantes accessibles immédiatement au lieu de les retenir pendant des années. “Inexcusable”, écrit Der Spiegel en citant un épidémiologiste de l’OMS.

Mais ce qui n’est pas mentionné: des informations importantes sur les débuts de la pandémie, qui sommeillent dans les archives américaines, n’ont pas encore été divulguées ou ne l’ont été que sous la pression de la justice. Et même en cas de publication, de nombreux endroits ont été noircis ou des centaines de pages étaient simplement blanches, comme nous l’avons rapporté.

Par exemple, la correspondance e-mail entre Fauci, Andersen et les autres scientifiques impliqués dans l’appel vidéo du 1er février 2020 n’a été révélée que grâce à la loi sur l’information publique. Et au moment même où ces e-mails sont devenus publics, les tweets précédents d’Andersen se seraient soudainement effacés.

Un peu plus de lumière apparaît dans l’obscurité

L’acte – pour le moment – final de ce va-et-vient : le 20 mars, le président américain Biden a signé la loi proposée après l’audition de Redfield. Cela oblige le chef des services secrets américains à rendre public “le plus d’informations possible” sur l’origine du virus. Elle a 90 jours pour le faire.

Cependant, on ne sait toujours pas quelles informations auparavant secrètes le gouvernement américain divulguera et quand.

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Wuhan: une origine gênante pour Washington et Pékin

Avec l’épidémie de Sars de 2003, on a rapidement découvert que le virus passait des chauves-souris aux humains via les civettes. Dans le cas de l’épidémie de Sars-CoV-2 en 2019, en revanche, on ne sait toujours pas d’où vient le virus, même après trois ans et plus de 80’000 échantillons collectés.

La Chine affirme que le virus pandémique est venu de l’extérieur du pays. Les États-Unis, quant à eux, affirment que le Sars-CoV-2 vient de Chine.

Politiquement, il serait préférable pour Washington que le virus pandémique ait été transmis des animaux aux humains en Chine. Alors les États-Unis n’auraient aucune complicité.

Si, en revanche, l’hypothèse du laboratoire devait être confirmée, alors les États-Unis partageraient également la responsabilité car ils ont financé en grande partie la recherche virologique à Wuhan. L’UE a également financé des recherches au même endroit.

Ni la Chine ni les États-Unis n’ont intérêt à confirmer l’hypothèse selon laquelle le Sars-CoV-2 proviendrait d’un labo de Wuhan.